Le MOC et l’engagement politique : rapports changeants et délicats

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Luc Roussel (historien, CARHOP asbl)

Introduction

Depuis sa création en 1947, le Mouvement Ouvrier Chrétien (MOC) se veut indépendant à l’égard de tout parti politique. Si le principe de base est constant, l’attitude des militant.e.s syndicaux et mutuellistes et des participant.e.s aux mouvements d’éducation permanente qui en font partie n’a pas toujours été, ni constante, ni unanime. Cette indépendance proclamée permet, assure-t-on au MOC, de prendre position sur n’importe quel problème en fonction des enjeux qu’il représente et non en fonction d’un programme ou de déclarations d’un parti politique. Il convient de se rappeler qu’il n’en a pas toujours été ainsi. L’objectif de cette analyse est de traverser l’histoire du MOC et de ses organisations à travers quelques moments-clés de l’histoire sociale qui modifient sa manière de concevoir son action politique. Le MOC, dans son appellation moderne, date de l’après Seconde Guerre Mondiale. La structure qui lui préexiste est la Ligue Nationale des Travailleurs Chrétiens, créée à l’issue de la Première Guerre mondiale. Cependant, l’histoire du mouvement ouvrier puise ses racines à la fin du 19e siècle, lorsqu’émerge la « question sociale ».[1]

L’absence de droits politiques, économiques et sociaux pour la classe ouvrière

Au lendemain de son Indépendance, la Belgique se construit autour d’une Constitution libérale. Toute une série de droits fondamentaux sont dévolus à la population : liberté d’association, d’opinion, liberté de la presse, etc. Toutefois, la primeur est surtout laissée au droit de propriété et, de manière générale, au libéralisme économique qui, in fine, dicte, pour une grande part, le fonctionnement et l’organisation de la société. Les droits élémentaires sont ainsi, de facto, pris dans un carcan qui les biaise en tout ou en partie : la classe ouvrière, qui émerge avec la révolution industrielle, est privée de droits socioéconomiques fondamentaux. Au mieux, elle est considérée en tant qu’outil de production, au pire comme menace pour l’essor économique. Jusqu’en 1867, par exemple, les coalitions ouvrières sont punies au pénal en raison des troubles et des entraves qu’elles sont susceptibles de causer aux entreprises ; la Constitution prévoit pourtant le droit de s’associer et de se rassembler paisiblement et sans arme, sans autorisation préalable. De surcroît, la bourgeoisie tient les rênes du pouvoir législatif, exécutif et judiciaire et tout le système électoral entretient ce fonctionnement : censitaire[2] jusqu’en 1893, le suffrage universel pur et simple, à tous les niveaux de pouvoir, n’est obtenu qu’en 1948, au terme d’un processus long de plusieurs décennies. Les ouvriers et ouvrières n’ont, dès lors, que les mobilisations, la grève et le soutien par différents biais de quelques bourgeois sensibles à leurs conditions de vie misérables pour porter leurs revendications socioéconomiques, politiques et culturelles sur la place publique. Le mouvement ouvrier ne s’organise et ne se structure qu’au milieu du 19e siècle ; il ne peut peser sur les décisions politiques que très progressivement.

Une première reconnaissance : l’encyclique Rerum Novarum

Le monde catholique garde, tout au long du 19e siècle, ses distances par rapport à la « question ouvrière ». Les grèves de 1886 sont les détonateurs d’une prise de conscience. Le changement d’attitude se manifeste à l’occasion des Congrès des œuvres sociales qui se tiennent à Liège en 1886, 1887 et 1890. La question sociale est mise à l’ordre du jour. Ces réunions sont l’occasion pour les catholiques de réfléchir sur les moyens de restaurer le catholicisme dans la vie sociale, de tenter de reconquérir la classe ouvrière et d’ainsi lutter contre le socialisme. À la suite de ces congrès, se dessine clairement un fossé entre les partisans et les adversaires de l’intervention dans la question sociale. Plusieurs catholiques défendent la création d’associations mixtes de défense des travailleurs (ouvriers et patrons mêlés) et demandent une intervention limitée de l’État.

En 1891, l’encyclique Rerum Novarum (« Toutes choses nouvelles »), signée par le pape Léon XIII, donne aux catholiques une impulsion décisive dans le domaine social. Ce texte pontifical, dont l’horizon est la lutte contre le libéralisme, préconise la création de sociétés de secours mutuels et d’associations ouvrières, mixtes de préférence, c’est-à-dire regroupant patrons et ouvriers. Cette position est fortement débattue au sein du monde chrétien, certains étant partisans d’un syndicalisme ouvrier autonome. Celui-ci l’emporte d’ailleurs progressivement.

Reflétant l’attitude générale des catholiques, l’encyclique offre un tableau percutant des conséquences de la révolution industrielle, mais renvoie à des causes d’ordre moral, plutôt qu’à une analyse économique. La critique du socialisme exprime la nostalgie d’un ordre social-chrétien fondé sur une reconstruction imaginaire du Moyen-Âge. L’idéal, selon l’encyclique, est de rendre chrétienne l’ensemble de la société, étant donné que l’Église, y écrit-on, est le vrai remède au mal social. L’État, quant à lui, doit intervenir pour assurer le bien commun et plus particulièrement les intérêts de la classe ouvrière.

Dans les années qui suivent, c’est à partir de ce texte et de ses interprétations, que se focaliseront les luttes de tendances entre catholiques intransigeants et catholiques libéraux au sein du milieu catholique. Ceci explique que le développement des organisations ouvrières catholiques et socialistes n’est pas parallèle du point de vue politique. D’emblée, les organisations ouvrières socialistes vont se regrouper sous la bannière du Parti Ouvrier Belge (POB). Ce dernier fait de la lutte pour le suffrage universel une de ses priorités. Par contre, les rivalités entre catholiques se manifestent dès les premières élections législatives au suffrage universel tempéré par le vote plural de 1894, où malgré l’inégalité du système, les voix ouvrières se font entendre au Parlement pour la première fois. Les catholiques s’affrontent sur le terrain en créant chacun de leur côté, qui des syndicats, des mutuelles, des coopératives, des cercles d’études ouvriers, qui des patronages, des ligues, etc.

Tensions avec le Parti Catholique

À partir de 1919, dans la foulée de l’Armistice et des accords dits de Lophem, les hommes de plus de 21 ans conquièrent le droit de vote. Avec l’instauration d’un suffrage universel masculin, la représentation politique des travailleurs chrétiens aux élections communales, provinciales ou législatives est l’objet de négociations, souvent houleuses, avec le Parti Catholique. Même si quelques personnalités issues de la démocratie chrétienne figurent sur les listes du Parti Catholique, les programmes politiques en revanche n’intègrent pas les revendications sociales.

Après la guerre, le Parti Catholique qui, jusqu’en 1914, était constitué par la Fédération des associations et des cercles catholiques, se modifie profondément. Il se structure par milieux sociaux, par standen, comme on dit en néerlandais. Devant cette profonde transformation qui marginalise les démocrates-chrétiens, les cercles ouvriers flamands prennent rapidement l’initiative de créer l’Algemeen Christelijk Werkersverbond (ACW) ; en français Confédération générale des ligues ouvrières chrétiennes. Le bureau provisoire élit Hendrik Heyman, président du syndicat chrétien comme président du nouvel ensemble.

Une fois ses statuts adoptés, ce regroupement prend le nom de Ligue Nationale des Travailleurs Chrétiens (LNTC). Celle-ci est composée de cinq associations : la Confédération des syndicats chrétiens et libres de Belgique ; l’Alliance nationale des fédérations des mutualités chrétiennes ; la Fédération nationale des coopératives chrétiennes ; la Fédération nationale des Ligues féminines ; la Fédération nationale des ligues ouvrières de Belgique. Ces organisations se fédèrent en une organisation coupole qui assure la coordination et la coopération des associations composantes, mais aussi la représentation générale, dans la vie publique, de l’intérêt des travailleurs ouvriers et employés chrétiens. À côté de l’action politique, il y a aussi des efforts pour structurer l’action éducative (JOC-JOCF) et les intérêts économiques du mouvement (coopératives et banque d’épargne ouvrière).

La Ligue nationale, qui a comme mission prioritaire la représentation politique des ouvriers et dont l’action s’inscrit dans le Parti Catholique, est rapidement confrontée à un véritable blocage. La bourgeoisie et une partie du clergé entendent maintenir les ouvriers hors du champ politique. Ils refusent, par exemple, d’accorder des places en ordre utile sur les listes électorales, aux candidats désignés par les ligues ouvrières d’arrondissement. Cette opposition est surtout perceptible en Wallonie.

Après 1945, le temps des remises en question

Durant la Seconde Guerre mondiale, la vie des organisations politiques se reconfigure : certaines entrent dans la clandestinité, voire la Résistance, d’autres épousent les desseins de l’occupant, d’autres encore disparaissent. Le Parti communiste, actif dans la Résistance à partir de 1941, connait une grande aura aux lendemains de la guerre. Des catholiques ont pris leurs responsabilités dans la lutte contre l’occupant. Ils ont côtoyé de près, certains pour la première fois, des non-croyants. De même, la vie dans les camps en Allemagne a été pour les catholiques, en particulier pour les prêtres faits prisonniers, l’occasion d’une ouverture sans précédent sur la réalité sociale et politique.

La libération de la Belgique a lieu en septembre 1944 ; dès le mois d’octobre, la LNTC se reconstitue. Alors que la Flandre ne souhaite pas modifier les liens entre organisations sociales et parti politique ; en Wallonie, il y a des volontés de regroupement nouveau. Cela se marque par un changement de nom et de statut. Lors du Conseil central du 26 juillet 1946, la LNTC devient le MOC. Pour sa part, la branche flamande garde son nom d’ACW. Les statuts, modifiés en 1946, établissent la dissociation du social et du politique. Ils reconnaissent l’existence de branches francophone et flamande. Le MOC-ACW se donne une direction bicéphale : deux présidents, deux vice-présidents, deux secrétaires généraux. Il est constitué par les fédérations régionales du MOC et de l’ACW, par les organisations nationales socioéconomiques et par les branches socioculturelles d’éducation permanente d’adultes et de jeunes.

Des syndicalistes chrétiens wallons remettent aussi en question le monopole de la représentation politique du monde ouvrier chrétien par le Parti Catholique. Une tentative de créer un parti déconfessionnalisé et progressiste, avec des militants chrétiens, communistes ou socialistes, l’Union Démocratique Belge (udb), sur base d’un avant-projet de pacte d’union travailliste élaboré à partir de 1941, est lancée en septembre-octobre 1944. L’UDB obtient un député, Antoine Delfosse, et trois ministères dans le gouvernement Van Acker (août 1945-février 1946) ; mais, il ne réunit que 2 % des voix aux élections. L’échec est durement ressenti par les militants qui s’étaient engagés dans cette aventure de grand parti travailliste.

De leur côté, les partis d’Avant-guerre se reconstituent avec, chaque fois, un programme et un sigle renouvelé. Le POB devient le Parti Socialiste de Belgique (PSB), le Parti Catholique se mue en Parti Social-Chrétien (PSC), ouvert à tous les citoyens, croyants et incroyants qui souscrivent aux valeurs chrétiennes fondamentales. Il n’est plus question de la représentation des standen, ou de groupes sociaux, mais d’adhésion individuelle. Au congrès de Noël 1945, le psc adopte un programme social et démocratique qui coupe les ailes à toute tentative de rassemblement des progressistes et ramène le Mouvement Ouvrier Chrétien dans le giron de l’ex-Parti Catholique.

Les années 1950, nouvelles fractures

Cependant, de nouvelles fractures apparaissent rapidement au sein du milieu catholique ; elles émergent avec la « Question royale ». Du côté du MOC, la direction nationale est favorable au retour du roi Léopold III, contrairement aux militants wallons qui s’y opposent.

Pour un temps, la question scolaire rassemble le MOC et le PSC autour d’une même revendication : la défense de l’école libre catholique. À partir de 1950, la volonté du gouvernement catholique homogène d’améliorer les subventions octroyées à l’enseignement libre provoque les critiques des partis laïcs. Le nouveau gouvernement libéral-socialiste, constitué en 1954, réduit ces subventions. Les organisations chrétiennes se mobilisent. Le MOC s’y joint, tout en regrettant le peu d’accès des jeunes du milieu ouvrier à l’enseignement général et supérieur. Le pacte scolaire signé le 20 novembre 1958 met fin à des années de luttes acharnées. À la suite de ces événements, un rapprochement MOC-PSC a lieu lors des élections législatives de 1958. Cependant, la rapide minorisation des élus MOC par le PSC, alors que le MOC avait apporté son appui au parti en échange d’une représentation valable sur les listes électorales, entraîne une dégradation des relations.

À partir des années 1960, la dépilarisation de la société induit l’ouverture des organisations à un pluralisme d’opinion. Non sans ambigüité. On constate ainsi un décloisonnement interne de certaines structures, mais aussi une pluralité de structures cloisonnées.[3]

La grève de 1960, amorce d’une conscience wallonne

Le problème commence avec la volonté du gouvernement Eyskens III, associant sociaux-chrétiens et libéraux, de lancer un « programme d’assainissement et de redressement économique et financier » qui deviendra la fameuse « loi unique ». Le MOC tente d’atténuer les rigueurs de la loi, en revendiquant une profonde réforme fiscale, alors qu’à la base, principalement wallonne, l’opposition est forte. Il n’obtient que des amendements sans grands effets. Le 30 décembre démarre une grève générale d’une ampleur inédite, elle immobilise toute la Wallonie et de larges secteurs en Flandre. Après une période d’accalmie durant les fêtes, elle redémarre et s’étend jusqu’au 20 janvier 1961. Quatre ouvriers y perdent la vie. C’est une grève partie de la « base » ; soutenue ensuite par les fédérations de la Fédération Générale du Travail de Belgique (FGTB), surtout wallonnes. La Confédération des Syndicats Chrétiens (CSC) condamne le caractère politique de cette grève, mais tente de négocier des améliorations au projet de loi. L’archevêque de Malines, le cardinal Van Roey, condamne le mouvement. Ce faisant, ce prélat, pétri d’une Europe confessionnelle d’avant 1914, signe la dernière intervention de la hiérarchie catholique belge dans les conflits sociaux. Il réduit, par le fait même, l’espace de négociation du MOC et de la CSC et sera critiqué en interne.

À la suite de la « grande grève », nait le Mouvement Populaire Wallon (MPW), qui constitue un groupe de pression rassemblant les défenseurs du fédéralisme ; il prône des réformes de structures capables de sauver la Wallonie du déclin. Parallèlement, Rénovation Wallonne, groupement d’étude fondé en 1945, rassemble des intellectuels catholiques désireux de satisfaire les revendications des Wallons. Plusieurs militants et personnalités du MOC rejoignent ce groupement.

Les années septante : vers des relais politiques pluriels

Les années 1970 marquent le temps de la réflexion sur les objectifs et le fonctionnement du mouvement dans un contexte social, économique, culturel et politique en pleine évolution. Mai 68, l’encyclique Humanae Vitae (encyclique sur le mariage et la régulation des naissances, notamment perçue par l’opinion publique comme un refus du recours à la contraception et l’avortement), l’appel du socialiste Léo Collard au rassemblement des forces progressistes en 1969, l’émergence des partis régionalistes, la fermeture des charbonnages, etc. sont quelques-uns des faits qui bouleversent la société.

Le foisonnement pluraliste et progressiste

À la charnière des années 1960 et 1970, les aspirations à un rassemblement des progressistes se multiplient. Notamment, le 1er mai 1969, à l’occasion de la fête du travail, le président du PSB Léo Collard lance un appel aux démocrates-chrétiens, précisé durant les semaines qui suivent. Cette prise de parole publique est en rupture avec le discours habituel des dirigeants socialistes. Il invite les démocrates-chrétiens à examiner les possibilités de contact dans le respect mutuel des organisations et dans un esprit loyal d’égalité. Le groupe BY Bastin-Yerna se constitue également sur une base pluraliste dans une perspective progressiste et fédéraliste. Enfin, le groupe Objectif 1972, créé en 1969, se situe dans une optique comparable. Pourtant, sauf expérience locale concluante, comme celle de l’UDP (Union Démocratique et Progressiste) rassemblant communistes, socialistes, et chrétiens de gauche, l’appel du président socialiste a peu d’échos. D’autres regroupements de militants ouvriers chrétiens voient également le jour : Groupe Politique des Travailleurs Chrétiens (GPTC) avec le Parti communiste et quelques autres militants progressistes, implantés principalement dans le Hainaut, le Brabant wallon et en province de Liège. Le risque d’éparpillement n’est pas mince, d’autant que certaines fractions du MOC rejoignent des partis wallons, comme le Rassemblement Wallon (RW), ou bruxellois, comme le Front Démocratique des Francophones (FDF). Dans les années 1970, le MOC ne peut que constater le pluralisme d’opinion de ses militant.es. La création d’une démocratie chrétienne au sein du PSC (DC), avec comme figure de proue Alfred Califice, apparait, de ce fait, comme une ultime tentative, un peu vaine, de les garder dans le giron social-chrétien.

Ouverture au pluralisme et Options fondamentales

En 1972, le Conseil général du MOC crée un secrétariat politique, en charge d’établir les contacts avec les partis et d’assurer la cohérence d’engagements qui deviennent divers. Constatant ces dernières évolutions, ce même Conseil général ouvre le moc francophone au pluralisme. Il réaffirme clairement son indépendance à l’égard des organisations et partis politiques, mais entend assurer la liberté des options et des engagements politiques de ses membres et de ses militant.es. à l’inverse, pour l’ACW, le relais reste le cvp que les militant.es ouvrier.es flamandes essayent d’influencer de l’intérieur.

La rédaction des « Options fondamentales » forme le dernier grand chantier commun du MOC-ACW unitaire. Ce texte se situe à la charnière de deux temps. D’un côté, il réaffirme les valeurs de justice sociale et la fidélité à la doctrine sociale de l’Église. De l’autre, il s’interroge sur le capitalisme et les socialismes, accepte du bout des lèvres le concept de lutte des classes et tente de dessiner un projet de société étiqueté socialiste compatible. Il interroge les concepts chrétiens et les rapports entre les hommes et les femmes qui ont d’autres références philosophiques et religieuses. Il reconnait le fait communautaire et régional, l’importance des fronts communs progressistes et la nécessité d’une évolution économique par la participation des travailleurs, via la cogestion ou l’autogestion. La base idéologique réaffirmée, les deux branches évoluent chacune dans leur espace social, de plus en plus distinct. En 1985, l’ACW se sépare statutairement du moc. C’est la résultante de l’évolution institutionnelle de la Belgique.

Une Fondation politique

En 1977, le Comité exécutif du MOC décide de créer une Fondation politique regroupant les dirigeants du MOC et des militant.e.s actifs au PSC, RW, FDF. C’est en son sein que les stratégies politiques du MOC sont censées s’élaborer.

Lancement et échec de SeP (1982-1988)

Le choc pétrolier de 1973 et la longue crise économique qui s’ensuit obligent le moc à redéfinir sa stratégie d’action politique. En 1981, le MOC organise un grand débat avec ses responsables sur son action politique, les stratégies entreprises et l’évaluation du pluralisme décidé en 1972. Ce débat se situe à l’époque des gouvernements Martens-Gol, souvent à majorité sociale chrétienne-libérale. Les mesures prises par ces gouvernements ne conviennent pas au MOC. Celui-ci constate par ailleurs l’échec du pluralisme. Le 6 février 1982, le Conseil central du mouvement souhaite avoir un relais politique privilégié et prend la décision de créer un mouvement politique qui prend le nom de Solidarité et Participation (SeP). Ce mouvement doit rassembler, dans la ligne des options fondamentales du MOC, tous les progressistes acceptant de s’y rallier. Plus tard, le mouvement est transformé en parti et se présente aux élections législatives de 1985. Ce parti est un échec.

Le retour à l’action pluraliste

Depuis 1980, le MOC redéploye une stratégie de contacts et de pressions sur le monde politique. De plus, l’échiquier politique belge s’élargit avec l’émergence de partis écologistes. Face à des gouvernements qui pratiquent une politique néolibérale, le MOC réaffirme régulièrement sa volonté de voir naître un front politique rassemblant, autour d’un projet de gauche, sociaux-chrétiens, socialistes et écologistes.

Dans ces partis, des rencontres se font à différents niveaux de pouvoir. Constatant la recomposition du paysage sociologique et l’évolution des piliers traditionnels qui ont constitué la société belge, le moc réaffirme, lors de son congrès de 2002, sa volonté d’œuvrer à un front de gauche plurielle et à une refondation politique axée sur la recherche d’une nouvelle alliance entre acteurs politiques et acteurs de mobilisation citoyenne. L’avenir est, dit-on, dans ce dialogue permanent. Des majorités « Olivier » seront les fruits de ce travail d’influence.

Bibliographie

CARHOP, Le mouvement Ouvrier Chrétien 1921-1996, 75 ans de luttes, Bruxelles, EVO, 1996.

Mabille X., Nouvelle histoire politique de la Belgique, Bruxelles, CRISP, 2011.

Mabille X., La Belgique depuis la seconde guerre mondiale Bruxelles, Bruxelles, CRISP, 2003.

Notes

[1] Au moment de signer ces lignes, je voudrais souligner combien elles doivent aux divers travaux réalisés par le CARHOP et ses équipes, et en particulier aux articles et formations réalisés par Marie-Thérèse Coenen et Christine Machiels ; je veux ici les remercier.
[2] Le cens est un impôt payé en fonction de la fortune. Il fallait payer un certain montant, plus élevé dans les villes que dans les campagnes, pour obtenir le droit de vote. Des conditions de nationalité ou de naturalisation, ainsi que d’âge sont également d’application. À ce propos, voir : « Le choix du suffrage censitaire », dans CARHOP, Aux urnes, citoyen(ne)s ! Histoire du droit de vote en Belgique, URL : http://www.carhop.be/expos/suffrage/page2.html, page consultée le 29 mars 2019.
[3] Mabille X., Nouvelle histoire politique de la Belgique, Bruxelles, CRISP, 2011, p. 301.

POUR CITER CET ARTICLE

Référence électronique

Roussel L., « Le MOC et l’engagement politique : rapports changeants et délicats », Dynamiques. Histoire sociale en revue, n° 9, mars 2019, mis en ligne le 4 avril. URL : http://www.carhop.be/revuescarhop/