Le mouvement syndical interpellé

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Marie-Thérèse Coenen (Historienne, CARHOP asbl, FOPES)

Un demi-siècle après les luttes des ouvrières du secteur métallique du bassin de liège, nous pouvons affirmer, sans beaucoup nous tromper, que ces grèves ont impacté durablement le mouvement syndical.

La belle exposition « Femmes en colère », présentée à Herstal de février à avril 2016, à l’initiative de la FGTB et de la CSC, en témoigne. Désormais, la grève des ouvrières de la Fabrique nationale d’armes de Herstal (FN), et plus largement celles des travailleuses du secteur métallique du bassin de Liège, font partie des grandes luttes ouvrières du 20e siècle et à ce titre, font l’objet de commémoration, comme les grèves de juin 1936 ou celles de l’hiver 60. La grève de la FN a été menée en front commun syndical. C’est suffisamment rare et difficile en 1966 pour être souligné par les contemporains. La pratique des négociations professionnelles et la revendication À travail égal, salaire égal, inscrite dans la liste commune de revendications, facilite cette collaboration.

Le syndicalisme est pluriel et se décline en Belgique en trois grandes confédérations nationales : socialiste, chrétienne, libérale[1] qui se déclinent en régionales interprofessionnelles, dans ce cas-ci Liège et en centrales professionnelles, la Centrale de l’industrie du métal de Belgique (CMB) et la Centrale chrétienne des métallurgistes de Belgique (CCMB). L’entreprise est le terrain des centrales professionnelles.

Les deux organisations syndicales chrétienne et socialiste n’ont pas la même approche en matière d’organisation des travailleuses. La CSC a depuis longtemps un service syndical féminin et des comités Femmes dans les régions et les centrales. La FGTB peine à mettre en place une structure spécifique même si, au début des années 1960, des décisions sont prises dans ce sens.

Les deux organisations n’ont pas la même vision de la femme au travail. La CSC opte pour la liberté de choix et l’égalité de traitement entre la travailleuse et la femme au foyer. La FGTB mise sur l’unité de la classe ouvrière et la défense de tous les opprimés sans distinction de sexe. Les travailleuses, comme les autres travailleurs, ont à juste titre des droits à revendiquer et à défendre. Le taux de syndicalisation dans la région et dans le secteur métallique est très élevé : près de 90 % des ouvrières sont affiliées, chez les socialistes pour les deux tiers et un tiers chez les chrétiens. Ce n’est pas de ce côté que la grève a révolutionné les pratiques.

Dans une enquête menée en 1964 auprès des ouvrières affiliées à la CCMB liégeoise, Christiane Bouhy[2] montre que le syndicat est pour elles une forme d’assurance : « On ne sait jamais ». Elles s’investissent relativement peu dans l’action syndicale locale et au sein de l’entreprise. Elles sont peu intégrées dans les structures et leurs revendications trouvent peu d’échos auprès des délégués. En 1966, il y a à la FN, trois déléguées (1 FGTB et 2 CSC) au comité d’usine, une au comité de sécurité, d’hygiène et d’embellissement des lieux de travail (CSHE)[3], aucune dans la délégation syndicale ni au conseil d’entreprise (CE).

Enfin, il existe dans l’usine, un noyau d’extrême gauche dont la figure dominante est Germaine Martens[4]. C’est elle qui lance le mot d’ordre de la grève suivi quasi par les 3000 travailleuses. Elle rencontre Cécile Draps, avocate à Liège, militante au Parti communiste Wallon (PCW) qui avec l’Union des femmes, est venue soutenir les grévistes aux grilles de l’usine. Cécile Draps met son réseau et ses compétences au service des ouvrières en grève. Elle trouve le graphiste qui réalisera la célèbre affiche À travail égal, salaire égal qui symbolise cette lutte. Germaine Martens est l’aiguillon du conflit et n’aura de cesse de vouloir l’étendre, avec les militants du PCW, aux autres usines du secteur métallique du bassin et aux ACEC à Charleroi. Ce n’est qu’après la grève qu’elle prend la carte du PCW.

Ces quelques remarques préliminaires balisent le contexte dans lequel la grève va se dérouler. Dès le lendemain de la grève, les témoins sont convaincus que ce qui vient de se passer est un évènement important. Jean Braham de la CCMB l’exprime ainsi : « On l’a dit et répété dans la presse, cette grève marque l’entrée en fanfare des femmes dans l’action syndicale. Certes, il y a, depuis plusieurs années, des femmes déléguées, voire même des permanentes syndicales. Mais, ici, il s’agit d’une prise de conscience collective.»[5]

La grève est-elle l’évènement par lequel les travailleuses accèdent à la maturité syndicale ? Il faudrait plutôt dire que cette grève de la FN révèle aux syndicalistes la capacité des travailleuses à se mobiliser et à mener une lutte pour leurs droits. Ils n’en étaient guère convaincus. Du côté des travailleuses, elles font l’expérience de la puissance du collectif et des potentialités de changement que cela recèle.

Il y a un avant, un pendant et un après la grève. Avant la grève, le champ était-il vierge de toute présence syndicale ? Pendant, beaucoup continuent à le penser et le dire, les syndicats ont couru derrière la grève. Nous verrons ce qu’il en est. Le troisième point analyse son impact sur le syndicalisme au sein de l’entreprise, dans les deux centrales professionnelles concernées et plus généralement à la FGTB et à la CSC. Enfin, les syndicats ne sont pas les seules organisations à être impactées par la grève. Pouvons-nous dire que la grève a ouvert le syndicalisme au féminisme ? Le mouvement féministe de l’époque a-t-il exercé une influence sur la mobilisation que la grève suscite ? La question reste ouverte.

En 1966, les travailleuses sont-elles sans conscience syndicale ?

L’égalité salariale entre les hommes et les femmes est présente dans les revendications depuis 1957 voire même plus tôt. Les négociateurs butent sur la définition à apporter aux termes  « travail de valeur égale » et sur le fait que les ouvrières, minoritaires – elles sont 40 000 travailleuses sur 25 0000 métallurgistes – sont peu menaçantes.

Dans Syndicats, Jules Black de la CMB souligne : « Depuis plus de deux ans, nous discutons avec les mêmes employeurs, l’interprétation de l’article 119 du Traité de Rome …il semble que nous ayons perdu notre temps et notre peine….. En de nombreux cas, nous avons pu constater que ce qu’ils refusaient d’accorder par la négociation, ils finissaient par le donner, et plus encore, lorsque la grève surgissait. Il est probable qu’en ce qui concerne les femmes on le vérifiera de nouveau en tirant sur la corde jusqu’à la rompre. »[6]

Jef Houthuys de la CCMB est du même avis : « qu’elles ne s’imaginent surtout pas que l’égalité de rémunération leur sera apportée comme un cadeau… Lors des pourparlers éventuels avec les patrons, la puissance syndicale sera, comme toujours, l’argument le mieux compris. À nous donc d’en faire usage.»[7]

1962 La grève des ACEC

C’est dans ce contexte que les ouvrières des ACEC à Charleroi partent en grève. Le scénario est quasi le même qu’à la FN. En octobre, ne voyant rien venir, les ouvrières des ACEC demandent à leurs délégués une assemblée syndicale. Ces derniers acceptent, espérant faire patienter les intéressées. La direction les met à pied pour non-respect du règlement. Le 1er octobre, les travailleuses partent en grève à la fois « pour demander la réintégration des délégués abusivement sanctionnés à cause d’elles, mais aussi pour appuyer les négociations de revalorisation des salaires.»[8] La grève dure 8 jours et mobilise plus de 2 000 travailleurs et travailleuses. Les 2 délégués sont réintégrés.

CARHOP, fond CSC Métal de Charleroi. Tracts de 1963

Les permanents voient dans cette grève une action de défense du statut syndical. Au Congrès de la CSC de 1962, une déléguée des ACEC, Monique Desneux, monte à la tribune et les détrompe :

« Les travailleuses en ont assez d’être payées à 75 % des salaires des hommes. Il est grand temps que cette injustice cesse. Les ouvrières des ACEC ont manifesté leur mécontentement et leur impatience devant la lenteur des pourparlers. L’avantage va aux seuls patrons puisqu’ils payent moins aux femmes pour un travail égal. Des traités et des conventions internationales, c’est bien, mais il est nécessaire de les réaliser. Pour cette raison, les travailleuses exigent 85 % du salaire minimum des hommes en attendant l’égalité complète. Aux ACEC, les patrons ont peur des femmes. La CSC doit faire disparaître ces injustices. Le mouvement syndical porte une lourde responsabilité vis-à-vis des travailleuses. Il ne faut pas les décevoir.»[9] Seul, le Bulletin syndical des femmes de la CSC souligne le sens de cette lutte : « Pour la première fois, un groupe de femmes se sont mobilisées seules, pour obtenir les 85 %. Nous remercions les femmes de Charleroi qui n’ont pas encore obtenu satisfaction, mais ouvrent la voie à une conscience des femmes pour un salaire juste.»[10]

Jef Houthuys observe que la campagne en vue de l’égalisation des rémunérations pénètre progressivement la grande masse et qu’il faudra s’attendre bientôt à des réactions spontanées, semblables à celle des ACEC.[11]

La FGTB nationale installe la Commission nationale des femmes

En janvier 1964, la FGTB lance une Commission du travail des femmes qui rassemble des permanentes syndicales, des secrétaires et des expertes. Dès son installation, elle réactive la page féminine dans Syndicats et organise une semaine d’étude à Zeezicht (près d’Ostende), consacrée aux problèmes de la travailleuse. En septembre 1965, plus d’une centaine de militantes enthousiastes se retrouvent pour quatre jours de travail.[12] Les travaux s’organisent autour de quatre thèmes : l’emploi féminin, la femme dans la société, la femme au travail et la femme dans le syndicat. Une table ronde « Problèmes des travailleuses » clôture le cycle.

Charlotte Hauglustaine, la future présidente du comité de grève de la FN et deux autres femmes de la FN sont présentes à cette première semaine d’étude, mais dit-elle, « Ce ne sont pas trois femmes qui peuvent mettre 3 000 femmes en mouvement, non, mais cela permet de développer une conscience plus claire des inégalités et des injustices qu’elles subissent sans rien dire depuis si longtemps.»[13]

L’égalité salariale est dans l’air du temps et fait l’objet des négociations paritaires

Fin 1965, les interlocuteurs sociaux se préparent à négocier un nouvel accord interprofessionnel, mais le patronat refuse d’intégrer l’égalité salariale au niveau interprofessionnel et la renvoie aux commissions paritaires (CP). Les journaux syndicaux relatent ces débats. La presse populaire s’en empare également.

En octobre 1965, la CP du secteur des fabrications métalliques inscrit à son ordre du jour, un nouveau rattrapage des salaires et la révision des classifications de fonction des postes féminins. Les deux organisations sont sur la même ligne. Les négociations paritaires sont laborieuses. Jef Houthuys, en décembre 1965 propose, en cas de blocage, de constater l’échec « et de laisser la parole à l’action syndicale des ouvrières dans l’entreprise.»[14] L’accord sera finalement signé le 10 mars 1966. Les ouvrières de la FN sont déjà en grève depuis trois semaines. Dans les autres usines, les ouvrières déposent ou non des préavis et débrayent.

La FN n’est pas concernée par ces négociations sectorielles puisqu’elle avait refusé de suivre le rattrapage salarial prévu dans l’accord national de 1962. Les ouvrières, lasses d’attendre, débrayent. La surprise vient de leur détermination et de leur unité !

Les syndicats : ont-ils été dépassés par la grève et par les grévistes ?

La grève s’impose à eux. Les piquets devant l’usine sont inutiles. Cette cohésion est exceptionnelle dans l’histoire sociale et en a impressionné plus d’un.

Sous l’égide des syndicats

Le 16 février, contre l’avis des délégués, les ouvrières refusent de reprendre le travail. Il n’y a pas eu de préavis de grève, mais l’histoire des luttes est émaillée de ce type de tensions.

Le 17 février 1966, Raymond Latin, secrétaire général de la fédération de Liège, écrit à Gust Wallaert de la CMB, à Bruxelles : « Nous tenons à vous informer des événements qui se déroulent actuellement dans notre région et, plus particulièrement à la fabrique nationale. Il s’agit du problème “salaires fémininsʺ. Sur le plan de la FN, nous avons tenté vainement à différentes reprises d’engager le dialogue avec les représentants de la direction. Mais, peine perdue ! …Cette longue attente et de multiples tergiversations ont provoqué un mécontentement tel chez nos affiliés que, hier matin, les ouvrières de la FN ont décidé d’un arrêt de travail général. En ce qui concerne l’assemblée générale de ce matin, on peut évaluer à deux mille cinq cents le nombre de femmes réunies. Sous aucun prétexte, elles n’ont voulu reprendre le travail. Elles entendent être fixées quant à leurs conditions de salaires. En conclusion, notre Fédération reconnaît la grève de nos camarades femmesʺ de la FN et elle demande à la Centrale d’en faire autant, car il est inconcevable que des pourparlers durent aussi longtemps. »

Le lundi 21 février, les deux permanents des centrales CMB et CCMB annoncent à l’assemblée des grévistes que le mouvement est reconnu et indemnisé. Les syndicats savent qu’ils ne peuvent pas s’opposer à 3 000 femmes déterminées dans leur lutte.

Nous ne suivons donc pas ceux qui aujourd’hui encore, soulignent que les syndicats ont été dépassés par les évènements. Non, en 24 heures, le front commun syndical reconnait le conflit et entend le piloter.[15] L’urgence est de couper court à l’influence d’éléments d’extrême gauche (Germaine et ses amies, très actives dans les assemblées). La majorité des grévistes n’est pas opposée à cette stratégie puisqu’elle adopte une motion de confiance dans la délégation syndicale et dans la procédure suivie.[16]

Les permanents, les délégués, des hommes un peu dépassés

Les responsables syndicaux font face à des assemblées houleuses. Ils ont parfois difficile à se faire entendre. Alors, ils font appel à tout ce qu’il y a de féminin dans leurs organisations. Annie Massay, permanente SETCA à Liège, se rappelle [2005] : « J’ai prêté mon concours à mes camarades de la Fédération des métallurgistes qui manquaient cruellement de représentantes femmes et qui étaient un peu désarçonnés devant 3 000 femmes en colère.»

Les permanents syndicaux invitent aussi des représentantes des Femmes prévoyantes socialistes (FPS) et des Ligues ouvrières féminines chrétiennes de Liège (LOFC). Nous retrouvons ici une pratique courante du mouvement syndical : mobiliser les organisations féminines de leur pilier quand ils traitent d’une question féminine même quand il s’agit d’une question strictement syndicale, comme les salaires. Cette présence féminine à la tribune rassure et soutient l’intérêt de la grève dans l’opinion publique.

Étonnamment, Jean Braham de la CCMB, ne fais jamais appel au service syndical des femmes de la CSC. Sara Masselang n’est pas invitée et n’aura pas la parole lors de la manifestation du 24 avril, malgré ses demandes réitérées. Est-ce le fait qu’elle est flamande alors qu’elle est parfaite bilingue ? La raison plus fondamentale est sans doute que les centrales gardent la main sur les entreprises et refusent de faire appel à l’interprofessionnel. Mariette Raway, future permanente syndicale à la fédération interprofessionnelle de Liège, connaîtra encore cet ostracisme, lors de la grève des ouvrières de la FN de 1974.[17]

Le comité de grève : une stratégie pour canaliser le mouvement et inclure les travailleuses

Autre stratégie, les permanents syndicaux proposent la création d’un comité de grève. Son action est loin d’être révolutionnaire puisqu’il est chargé de la gestion du volet social et de la communication. C’est une manière de couper court à un autre comité d’action féminin, lancée par l’Union des femmes qui rassemblait des syndiquées et des non syndiquées et qui voulait l’extension du conflit à toutes les usines, et à tous les travailleurs, hommes y compris.

Pour réduire la pression de l’extrême gauche, les permanents syndicaux tentent de limiter l’accès de la salle La Ruche à Herstal aux seules syndiquées, mais cette proposition est rejetée par l’assemblée : « C’est ensemble que nous sommes parties, c’est ensemble que nous continuons.» Une autre manière est de refuser de donner la parole à Germaine Martens, mais les travailleuses la réclament à la tribune. Finalement, Germaine Martens et deux autres militantes du comité d’action féminin seront invitées à rejoindre le comité de grève “officiel”. Les responsables syndicaux gardent la main dans la négociation et les grévistes restent à la marge à l’exception de la conciliation à Bruxelles, où des militantes font partie du comité élargi. C’est stratégique. L’assemblée des grévistes n’est pas gagnée d’office à la solution négociée qui reste en deçà de ce qu’elles sont en droit d’attendre d’un conflit de si longue durée. Le comité de grève interviendra en faveur de l’accord. C’est un élément qui influencera la décision finale.

Les travailleuses n’ont pas vraiment exercé le pouvoir dans cette lutte. Leur pouvoir a surtout résidé dans le poids du nombre et leur volonté de poursuivre la lutte. Tout le monde a dû en convenir, tant les syndicalistes que le patronat. C’est la leçon principale de ce conflit. Elles sont une force avec laquelle il va falloir compter désormais.

Après la grève, les centrales professionnelles tirent les leçons

À la reprise du travail, rien n’a vraiment changé : l’odeur, l’huile, les machines, la production, tout est resté en l’état, mais l’esprit et le regard porté sur les ouvrières ont changé. Elles forcent le respect. Certaines prolongent leur engagement et deviennent membres du comité d’usine. Vingt-deux d’entre elles lancent, dans l’entreprise, une commission féminine FGTB. Aux élections sociales, huit d’entre elles sont candidates.[18] À la CSC, il y a maintenant quatre déléguées et une quinzaine de travailleuses sont candidates.[19]

Du côté de la centrale des métallurgistes, le curseur bouge

La page Le métallurgiste consacre un intérêt soutenu à la lutte des ouvrières. Les dirigeants sont conscients que le problème est aussi chez eux : « Les hommes devront revoir leur conception en la matière et l’adapter en conséquence, en ayant pleinement conscience du fait que la promotion de la femme est indissociable de la lutte générale de la classe ouvrière pour son émancipation.»[20]

Mais qu’est-ce qu’elles veulent ? Les responsables syndicaux constatent qu’ils disposent de peu d’informations sur les conditions de travail des ouvrières, le salaire, le poids de la deuxième journée, l’absentéisme, la formation professionnelle. La CMB demande à Robert Gubbels de dresser le portrait type de l’ouvrière des usines métallurgistes de Liège et de l’agglomération bruxelloise dont la synthèse est publiée dans Syndicats[21] et commande une enquête à Guy Spitaels[22], auprès des travailleuses de la FN pour prendre la mesure “objective” de leurs attentes, la perception de leur travail et leur vision de la grève.[23] Si la moitié des femmes disent avoir confiance dans la délégation syndicale telle qu’elle est constituée, les trois quarts revendiquent une plus grande présence des femmes. Mais 88 % des femmes interrogées refusent pour elles-mêmes un mandat. Elles évoquent le manque de temps, le manque de connaissances et de formation adéquate, l’âge et l’ingratitude des compagnons de travail. Parfois, l’avis supposé négatif du conjoint est avancé. Quant à celles qui se disent prêtes à assumer un mandat, ce sont, pour la plupart, des militantes du comité de grève, mais, qui se sentent incompétentes pour assumer convenablement cette tâche.[24] Un important travail de conviction syndicale reste à accomplir.

Pour le premier anniversaire de la grève, le 23 février 1967, la Centrale installe, un nouvel organe consultatif : le Conseil national de la main-d’œuvre féminine et développe un plan de formation pour les militantes.

Les métallurgistes chrétiens avaient déjà un comité national des déléguées et des formations pour ses militantes. Ce qui change, c’est le nombre. De 20 déléguées invitées, elles sont maintenant plus de 200, venues de 125 entreprises différentes. À côté de ce comité, la CCMB installe une commission permanente des problèmes féminins. Le congrès de 1968 adopte des modifications aux statuts pour intégrer une représentation des jeunes et des femmes au comité de la centrale.

Les grèves des travailleuses du secteur métallique sont un accélérateur

Les commissions régionales du travail des femmes à la FGTB

Des commissions Femmes FGTB fleurissent dans les fédérations régionales de la FGTB et dans les centrales. À Liège, la Commission régionale du travail des femmes organise dès le 16 juin 1966 une session de formation pour militantes autour de la question du travail de la femme, à laquelle participent des grévistes de la FN.[25] L’égalité salariale n’est qu’un aspect du problème. Les militantes pointent la double journée, le manque d’équipements collectifs, l’accès à la contraception et au planning familial. Ces thèmes sont nouveaux pour le syndicat. La juriste Éliane Vogel-Polsky rejoint la Commission. Elle plaide pour que des travailleuses victimes de discriminations salariales utilisent l’arrêté royal du 24 octobre 1967 qui permet d’ester en justice pour discriminations salariales et déposent plainte pour non-respect de l’article 119 et violation du principe d’égalité de la Constitution. Mais les organisations syndicales restent frileuses sur ce mode d’action. Les salaires sont, pour ces derniers, une affaire à traiter en commission paritaire et non devant les tribunaux. La FGTB néanmoins acceptera d’intenter une action en justice pour dénoncer l’inégalité dans l’allocation de chômage entre les hommes et les femmes. Cette action aboutit à la condamnation de l’État belge à revoir son système de calcul des indemnités de chômage. Ce sera chose faite, en 1971[26].

Les élections sociales de 1967

Un an après la grève, les élections sociales de 1967 sont un test. Les travailleuses ne sont pas négligées : la campagne se décline au masculin et au féminin. Dans les deux organisations, leurs candidatures sont sollicitées. La CSC aligne sur ses listes électorales un peu plus de femmes que la FGTB, mais cette dernière a plus d’élues. Elles représentent environ 17 % des mandatés au CPTT, CE et délégation syndicale. Les nouvelles mandatées sont invitées à rejoindre les écoles de délégués. Nos grévistes du comité de grève de la FN s’engagent et deviennent des militantes chevronnées, avec des mandats multiples.

Dans le cadre de la campagne, la FGTB organise une assemblée des travailleuses. Le 23 avril 1967, réunies à la salle de la Madeleine à Bruxelles, elles adoptent La Charte du travail des femmes. Même si certains dirigeants expriment à la tribune un certain paternalisme : « La FGTB est consciente que la femme n’est pas seulement une travailleuse, mais aussi une mère. Elle remplit ainsi une fonction sociale qu’il faut reconnaître dans l’organisation du travail et de la société…, cette journée couronne le travail intense de la commission « Problèmes de la femme au travail », chargée d’élaborer les positions de la FGTB.

Le congrès statutaire de la FGTB d’avril 1968 entérine ce programme et marque le démarrage officiel d’une action syndicale féminine au sein de la FGTB. Il faudra encore quelques années avant de désigner deux permanentes nationales.

À la CSC, cela bouge surtout en Wallonie

Attendu depuis longtemps, les militantes francophones ont désormais leur bulletin syndical : Femmes au travail dont le premier numéro sort en avril 1966 avec un article sur la grève. Toujours en 1966, le Bureau journalier de la CSC propose à Miette Pirard le poste de responsable nationale, ce qu’elle accepte. Elle forme désormais avec Sara Masselang un duo efficace et stratégique pour la défense des intérêts féminins à la CSC. En 1967, elles sont cooptées au Bureau de la CSC. Liège aura sa première permanente en 1968 avec Mariette Raway, ancienne jociste, permanente à la LOFC de Liège et active pendant la grève des ouvrières de la FN. L’arrivée de Miette Pirard au service syndical féminin de la CSC intensifie le nombre de sessions de formation de militantes. C’est une priorité.

La femme dans le mouvement syndical, 5 novembre 1966

Préparé de longue date, la CSC tient en novembre 1966, un congrès dont le sujet est « la femme dans le mouvement syndical.» Le président se défend qu’il « soit le résultat d’une simple tactique d’opportunité et insiste : il est surtout l’aboutissement d’un long et fructueux passé d’action syndicale chrétienne en faveur des travailleuses »[27], ce qui n’est pas faux. La CSC a commandité une enquête sur la participation au syndicat.[28] Elle porte sur 1300 entretiens de travailleurs et travailleuses. Cette étude observe que « seules les femmes appartenant à un groupe d’âge plus élevé et ou/les femmes seules sont à même de développer le type de comportement syndical des hommes. » [29] et que « le mythe autour de la mère au foyer a orienté pas mal de femmes vers la FGTB. »[30]

Le nombre de participantes au congrès est très élevé, signe d’un intérêt pour la thématique. Autre innovation, c’est Sarah Masselang qui introduit le rapport et pilote les discussions sur les amendements. Elle pointe les problèmes importants non résolus : il y a la rémunération égale et plus largement l’égalité dans la vie du travail, mais précise-t-elle, « l’égalité ne signifie pas l’identité à l’homme. La femme doit pouvoir participer à la vie du travail en tant que femme avec le respect pour sa nature propre. Si la maternité est une fonction sociale au service de la communauté, elle ne peut en aucun cas nuire à l’appréciation de son travail. » En ce qui concerne la mère au foyer, elle plaide pour le libre choix entre le travail professionnel et le travail ménager, à l’abri de toute considération économique.

Étonnamment, seules des militantes interviennent dans le débat. Est-ce un manque d’intérêt de leurs collègues masculins ou une stratégie des militantes pour marquer leur présence et leur positionnement ? Sans doute les deux ! Elles revendiquent également plus de mandats pour les femmes et une révision des statuts pour garantir cette représentation. Mais elles ne sont pas suivies. Une politique de quota n’est pas à l’ordre du jour. Le congrès accepte de mettre en chantier un projet de statut de la travailleuse.

Le statut de la travailleuse

Ce plan de travail des femmes de la CSC aboutira à la proclamation du Statut de la travailleuse, le 5 octobre 1968, par 1 200 militantes à Bruxelles. C’est un succès et les responsables ne boudent pas le plaisir que leur procure cette assemblée extraordinaire.

Dans son allocution, le président de la CSC, Gus Cool fait son examen de conscience : « En tant que syndicat, n’avons-nous pas commis des injustices envers les travailleuses ? Nous demandons partout le dialogue et la participation. Sommes-nous prêts à l’accorder aux femmes dans le mouvement syndical ? Notre construction n’a-t-elle pas été faite trop exclusivement dans une optique masculine où la femme ne se sent pas chez elle ?  [31]

En conclusion, il apporte l’appui de la CSC pour l’établissement d’une réelle égalité entre hommes et femmes. Égalité réelle, précise-t-il, mais nous devons nous méfier de deux erreurs : d’une part, forcer les femmes à devenir des hommes, d’autre part, demander trop de mesures spéciales qui se retourneraient contre la main-d’œuvre féminine. Égalité réelle signifie aussi que la notion de chef de famille doit être reconnue à la femme. Voilà comment nous voyons le statut.»[32] Son discours suscite une grande émotion dans le public et des applaudissements nourris.

Le Statut de la travailleuse sera officiellement validé au congrès de 1968. À la tribune, Mariette Raway pointe l’importance de cet engagement pour la CSC. «Ce statut, dit-elle, il faut le réaliser ce qui va demander aux femmes de s’engager… mais aux hommes également. Cela suppose que chacun revoie sa conception de la femme… Nous savons que les hommes intelligents sont féministes, mais ils ne sont pas tous féministes. C’est une révolution culturelle que nous entamons. » Le syndicat chrétien prend ainsi la tête du mouvement de promotion féminine, ce mouvement irréversible qui caractérise notre siècle.[33]

Mais cette révolution des mentalités n’est pas au rendez-vous. Plusieurs trouvent qu’on a assez fait pour les travailleuses, le syndicat doit désormais s’occuper des autres femmes, les leurs, celles qui sont au foyer. Le congrès de 1969 consacre ses débats à l’allocation de la mère au foyer, qui deviendra, sous la pression des femmes syndicalistes, l’allocation à la mère éducatrice. Les militantes de la CSC doivent en permanence rester vigilantes.

Malgré cela, l’égalité n’est pas acquise

La grève des femmes de Herstal n’est pas une grève comme une autre. « Les femmes se sont rendu compte qu’elles doivent prendre leur sort en main. C’était dans l’air du temps. Il fallait que quelqu’un commence. C’est nous qui l’avons fait.[34]» Charlotte Hauglustaine concluait ainsi son entretien avec l’auteure, en 1991. Ce n’était qu’une étape, souligne la journaliste Jeanine Lambotte. Huit années plus tard, une nouvelle grève sera nécessaire à la FN pour aborder le fond du problème, l’amélioration des salaires, des conditions de travail et l’accès aux 800 postes de travail répertoriés à la FN. Cette seconde grève va durer 3 semaines dans un climat extrêmement différent. « Ce qu’on continue à déplorer à la FN comme en général dans toutes les grandes usines, c’est un certain manque de compréhension entre ouvriers et ouvrières, une hésitation à donner des responsabilités syndicales aux femmes, l’absence de cadres féminins, favorisée par une sourde misogynie à tous les échelons. »[35] Observe-t-elle ? On ne peut pas lui donner tort.

À court et moyen termes, les grèves des travailleuses du secteur métallique donnent un fameux coup d’accélérateur à la promotion féminine au sein des syndicats. Cette ouverture est aussi favorisée par le changement des dirigeants. L’arrivée de Jacques Yerna à la Fédération FGTB de Liège ouvre une fenêtre d’opportunité dans laquelle les militantes s’engouffrent. Une nouvelle génération moins machiste, moins antiféministe, arrive à la tête des syndicats : Gus Cool à la CSC est remplacé par Jef Houthuys et Louis Major à la FGTB laisse la place à Georges Debunne. Les nouveaux dirigeants sont davantage sensibilisés à la question de l’égalité et apprennent vite, comme le souligne Marijke Van Hemeldonck[36] dans ses mémoires. Cela facilite l’intégration des femmes dans une organisation qui reste toutefois fortement marquée par le masculin.

La grève a-t-elle été influencée par les féministes ?

Le syndicalisme n’est pas le seul milieu à être secoué par l’onde de choc qu’est la grève des travailleuses de la FN. En 1966, les groupes féministes existants sont relativement confidentiels, cantonnés dans les sphères intellectuelles et localisés à Bruxelles. On ne peut pas parler d’influence féministe sur le déroulement de la grève sauf à examiner les positions de l’Union des femmes du Parti communiste wallon qui est anti-syndicaliste. Par contre, la grève provoque une nouvelle mobilisation de ces féministes avec la mise en place du Comité À travail égal, salaire égal.

Peut-on conclure que la grève ouvre le syndicalisme au féminisme ?

La CSC est hermétique aux positions féministes. Les permanentes développent une action féminine syndicale spécifique visant à supprimer les discriminations existantes entre les hommes et les femmes sans remettre en question le rôle des femmes dans la famille. La passerelle avec le mouvement féministe se fera plus tard.

Du côté de la FGTB, Émilienne Brunfaut, membre de multiples organisations féministes, fait le lien. Elle est membre de la Commission du travail des femmes et tient la plume dans le journal Syndicats. Elle met en avant les thématiques portées par les féministes et par les travailleuses. Deux militantes CGSP sont à la base de la création du Comité À travail égal, salaire égal dont l’appel à manifester le 2 juin 1966 à Bruxelles est relayé par Syndicats. Après la grève, le mouvement syndical reste dans son ensemble imperméable, voire allergique aux positions des féministes surtout en matière de réglementation du travail des femmes.

La grève des ouvrières du secteur métallique en mettant l’accent sur l’égalité salariale ouvre la voie à une remise en question plus globale du statut de la travailleuse et interpelle le mouvement syndical. Encore faudra-t-il que ce dernier, au-delà de cette prise de conscience, accepte de répondre à ce défi et accepte de révolutionner sa conception de l’égalité entre les hommes et les femmes.

[1] Les syndicats libéraux ne sont pas présents lors du conflit.
[2] Bouhy, C., Dans le cadre de la Fédération liégeoise des syndicats chrétiens, la travailleuse métallurgiste et la syndicalisation, Liège, Ecole provinciale de service social, session 1963-1964.
[3] Devenu avec la loi du bien-être au travail du 4 août 1996, le comité pour la prévention et la protection au travail (CPTT).
[4] Voir analyse de Maxime Tondeur.
[5] Au travail, 4 juin 1966.
[6] Black, J., « Salaires féminins », Syndicats, 23 juin 1962, p.7
[7] « En métallurgie les salaires des femmes à l’ordre du jour du Conseil national des militantes », Au travail, 28 avril 1962 p. 3.
[8] Au travail, 6 octobre 1962, p. 1-3.
[9] Au travail, 27 octobre 1962, p. 8.
[10] Vrouwen aan, de arbeid, n°34, 1962, p. 23.
[11] Houthuys, J., « Salaires féminins », Au travail, 10 novembre 1962, p. 2.
[12] Syndicats, 25 septembre 1965, n°38, p. 3.
[13] Entretien juillet 1991 avec Charlotte Hauglustaine dans COENEN, M.-T., 1966, la grève des ouvrières de la FN, une première en Europe, Bruxelles, POL-HIS, 1992, p. 27.
[14] Houthuys, J., « Les salaires des femmes en métallurgie, les négociations ont commencé », Au travail, 13 novembre 1965, p. 1 ; Houthuys, J., « Égalité de rémunération, deuxième contact », Au travail, 20 novembre 1965 ; Houthuys, J., « L’égalité de rémunérations dans une impasse ! », Au travail, 4 décembre 1965, p. 1.
[15] «Il était essentiel de reconfirmer les responsabilités et l’autorité de la fédération dans ce conflit ; de couper court aux manœuvres d’éléments politiques, irresponsables, tels que le PWT et, surtout, le PCW, qui, par voie de tracts et de contacts constants avec les grévistes, injurient les militants syndicaux tout en appelant à la grève toute la classe ouvrière de notre région aux fins de marquer sa solidarité envers les travailleurs de la FN et son adhésion à un programme démagogique ; de ne traiter des éventuels résultats des négociations avec la direction de la FN qu’avec les grévistes, affiliées à une des deux organisations syndicales, position acceptée, avec enthousiasme, par l’assemblée». Lettre de Guillaume Barbe à Lucien Latin concernant le compte-rendu de l’assemblée générale des travailleuses de la FN paru dans le journal La Wallonie du 22 février 1966. Fondation André Renard, Liège : Fonds grève des femmes de la FN, 1966.
[16] Il s’agit de l’assemblée du 3 mars 1966. Elle rejette la proposition du conciliateur social et vote la confiance à la délégation syndicale.
[17] Ce sera développé dans Coenen, M.-T. , Syndicalisme au féminin, 1944-1990, vol II, à paraître.
[18] La Wallonie, 16 février 1967.
[19] La Cité, 17 février 1967.
[20] Wallaert, G., secrétaire général de la CMB, « Premier mai 1966 », Syndicats, 30 avril 1966.
[21] Syndicats, 14 octobre 1967.
[22] Cette enquête est commandée par la CMB, au lendemain de la grève à Guy Spitaels. Elle porte sur l’interview de cinquante-deux ouvrières de 18 à 55 ans réparties dans les trois grands secteurs de l’usine. C’est un document stencilé : Spitaels, G., L’ouvrière de la Fabrique nationale d’armes de guerre et la grève pour l’égalisation des salaires masculins et féminins. Recherche effectuée pour la Centrale de la métallurgie de Belgique, par l’Institut de sociologie de l’ULB, juillet 1966.
[23] Les problèmes du travail des femmes, Exposés présentés à la session d’études organisée en juin 1966 par la régionale FGTB Liège-Huy-Waremme et la fondation André Renard, Dossiers et documents n°8, FAR, mars 1967.
[24] Spitaels, G., L’ouvrière de la Fabrique nationale d’armes de guerre et la grève pour l’égalisation des salaires masculins et féminins, Recherche effectuée pour la Centrale de la métallurgie de Belgique, par L’Institut de sociologie de l’ULB, juillet 1966, p. 39-44.
[25] AMSAB, Fonds Emilienne Brunfaut, n°129 : Note sur l’orientation des travaux de la Commission féminine. Trois groupes de travail : formation professionnelle, équipement social et activités syndicales, conditions de travail et égalité de rémunérations (16 juin 1966).
[26] Loriaux, F., (dir.), Le chômeur suspect. Histoire d’une stigmatisation, Bruxelles, CARHOP-CRISP, 2015, 195. 193-195
[27] « La CSC se prononce pour la promotion sociale et syndicale de la femme », Au travail, 12 novembre 1966, p. 1 et 5.
[28] CSC, La participation au syndicat. Analyse sociologique du comportement syndical des travailleurs. Conclusions d’une enquête menée par le centre de recherche sociologique, Université catholique de Louvain, CSC, 1966.
[29] Idem, p. 123-124.
[30] Idem, p. 117-118.
[31]Au travail, 12 octobre 1968, p. 1 et 8.
[32] Femmes au travail, n°9, octobre-novembre-décembre 1968, p. 14-15.
[33]« Le statut de la travailleuse » au 24e Congrès de la CSC, Compte rendu des séances, 1968, p. 10-11.
[34] « Le métallurgiste. Billet hebdomadaire de Gust Wallaert », Syndicats, 19 mars 1966, n°11.
[35] Gérard, I. et Lambotte, J., 1830-1980. 150 ans de vie féminine, Bruxelles, 1980, p. 80.
[36] Van Hemeldonck, M., Een schip met acht zeilen. De ontnuchtering van een gedreven socialiste en feminist, Groot-Bijgaarden, Scoop, 1995.