François Welter (historien, CARHOP asbl)
Au terme de ce double numéro consacré aux maisons médicales, le temps est venu de s’interroger sur les défis contemporains auxquels est confronté le secteur. À cet égard, le Mémorandum pour les élections de 2024, publié par la Fédération des maisons médicales (FMM), c’est-à-dire la fédération professionnelle représentant notamment le secteur auprès des pouvoirs publics, reste une boussole précieuse qui indique les priorités des maisons médicales[1]. Les revendications sont nombreuses et concernent différents niveaux de pouvoir, du communal à l’européen, en passant par le fédéral, le communautaire et le régional.
Pour éclairer ces défis contemporains, le CARHOP a rencontré la secrétaire générale de la FMM, Fanny Dubois, qui nous a expliqué le fondement et la raison d’être des maisons médicales, leur rôle fondamental pour la démocratisation de l’accès aux soins de santé, mais aussi la nécessité de défendre des mécanismes de solidarité forts (la Sécurité sociale) pour lutter contre la menace des politiques néo-libérales. La présente analyse n’a donc aucune prétention à rapporter de façon exhaustive les priorités de la FMM ; elle n’en pose que quelques jalons[2].
Portrait : Fanny Dubois en quelques mots Sociologue et aide-soignante à l’hôpital Saint-Pierre, à Bruxelles, Fanny Dubois étudie les conditions de travail des aides-soignantes, en étant au cœur du métier. Elle analyse alors l’institution hospitalière depuis un métier situé au bas de l’échelle barémique, tellement invisibilisé, et pourtant intense[3]. En croisant les savoirs pratiques et théoriques, elle prend conscience de l’utilité de faire évoluer le système de santé et d’y contribuer. En 2012, elle complète cette approche de terrain en rejoignant Solidaris, la mutualité socialiste. Elle y appréhende les enjeux du système de santé belge et de la Sécurité sociale, qui contribuent à la redistribution et au large accès aux soins de santé. Elle se confronte aussi aux rapports de force entre les différentes professions de soin, leurs syndicats et les mutuelles, avec, pointe-t-elle, des oubliés : les patient.e.s. C’est donc porteuse d’un solide bagage pratique et théorique que Fanny Dubois rejoint en 2019 la FMM. |
Les patient.e.s, des acteurs à part entière de la santé individuelle et collective
Pour les maisons médicales, les patient.e.s sont partie prenante des processus à mener et des décisions à prendre qui engagent leur santé, pour ce qui concerne à la fois les facettes curatives et préventives, individuelles et collectives. C’est pourquoi, depuis plus de quarante ans, les maisons médicales déploient des actions de santé communautaire.
Dès les années 1960, sur l’exemple des expériences menées en Amérique latine et dans les pays anglo-saxons, le Groupe d’étude pour une réforme de la médecine (GERM) milite pour que l’individu et la communauté soient partie prenante des décisions sur les questions de santé, sur base d’une information la plus complète possible. La santé est un enjeu de lutte sociale, dès lors qu’elle considère les conditions de travail, l’environnement, l’alimentation ou le niveau culturel des patient.e.s comme des déterminants de leur état de santé. La FMM stipule dans sa Charte de 2006 que les maisons médicales doivent « favoriser l’émergence d’une prise de conscience critique des citoyens vis-à-vis des mécanismes qui président à l’organisation des systèmes de santé et des politiques sociales »[4]. L’impulsion vient aussi des organisations internationales. En 1986, l’Organisation mondiale de la santé définit la santé communautaire dans la Charte d’Ottawa ; l’année suivante, le Secrétariat européen des pratiques de santé communautaire est installé. En Belgique, en 1989, la FMM lance une recherche-action sur le rôle des centres de santé intégrés (CSI) en santé communautaire, puis sur l’éducation en prévention[5].

Aujourd’hui encore, la santé communautaire est mobilisée comme outil collectif et global de la santé, tant du point de vue institutionnel que dans la pratique quotidienne des maisons médicales. Selon Fanny Dubois, « Une maison médicale, c’est une ASBL, donc une structure sans but lucratif dans laquelle un collectif de soignants décide de réfléchir en intelligence collective à un projet de santé pour les patients qui s’inscriront dans leur maison médicale. (…). C’est un peu comme une communauté de patients autour de la maison médicale. Dans ce collectif, l’idée est d’essayer de construire un lien de confiance avec les patients. Quand vous êtes patient, soigné en maison médicale, vous acceptez de vous inscrire à la maison médicale pour justement assurer cette continuité des soins »[6].