Solidarité et Participation et Écolo : destins croisés

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Geneviève Warland (historienne, UCLouvain)

Les années 1960 à 1980 ont été marquées tant par des mouvements de contestation politique que par des crises économiques au plan international comme en Belgique. Pour ce dernier pays, les moments marquants sont les grèves de l’hiver 1960-1961 révélant l’écart entre le Nord et le Sud de la Belgique et provoquant un réveil wallon, l’affaire de Louvain en 1968 comme moment de crispation du problème communautaire et le choc pétrolier du début des années 1970 suivi par une récession importante. Dans ce contexte, les gouvernements se succèdent – que l’on se rappelle les gouvernements Martens, allant de Martens I en 1979 à Martens IX en 1991. Au début des années 1980, le gouvernement social-chrétien et libéral Martens-Gol fait voter à plusieurs reprises des pouvoirs spéciaux afin de mener une politique d’austérité visant à assainir les finances publiques et à accroître la compétitivité des entreprises. Le chômage progresse.

Dans ce contexte où les inégalités sociales augmentent, où les tensions communautaires s’approfondissent et où les revendications pour une plus grande participation des citoyens à l’exercice du pouvoir politique se font entendre, de nouveaux partis à tendance régionaliste émergent : tels le Rassemblement wallon (RW) – qui devient rapidement la deuxième force politique en Wallonie au cours des années 1960-1970 – et le Front Démocratique des Francophones (FDF) à Bruxelles. D’autres partis de type fédéraliste, insistant sur la décentralisation de la décision au niveau des quartiers et des communes pour redistribuer le pouvoir confisqué par les partis traditionnels, apparaissent dans les années 1970-1980. Ils se situent à gauche de l’échiquier politique et entretiennent des liens étroits : ils se nomment Écolo et Solidarité et Participation (SeP). Ces deux partis, l’un toujours sur la scène politique belge en 2019 et l’autre à la durée de vie très courte, sont issus, pour le premier, d’un mouvement de citoyens et, pour le second, d’un mouvement social.

SeP : un météore en politique

SeP est créé en 1982 par des membres du Mouvement Ouvrier Chrétien (MOC) souhaitant une formation de gauche, pluraliste, non-confessionnelle et se distinguant du Parti Socialiste (PS). Ce mouvement, qui se transforme rapidement en parti, se définit comme « nouveau, ouvert, pluraliste et progressiste ».[1] Son nom énonce les deux axes de sa politique : d’un côté, la « solidarité » entre travailleurs et sans-emplois, entre jeunes, adultes et personnes âgées, entre malades et bien-portants, entre régions rurales et urbanisées ; de l’autre, la « participation » dans le but d’associer le citoyen à l’élaboration des décisions. Le modèle démocratique dont SeP se revendique est l’autogestion, autrement dit un modèle de démocratie participative ou délibérative et non pas seulement représentative. L’absence de référence à la famille politique chrétienne dans le nom même de ce mouvement atteste la volonté à la fois de se démarquer d’un parti social-chrétien jugé trop conservateur et d’attirer des militants progressistes venant d’autres horizons.

Tract d’Écolo et SeP aux élections législatives, 1987 (CARHOP, SeP, n°433 (classement provisoire)).

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