Edito

Christine Machiels (directrice du CARHOP)

L’idée de mener l’enquête sur l’expérience politique de SeP (Solidarité et Participation), ce mouvement devenu parti politique au début des années 1980, n’est pas née du hasard. Elle est inspirée d’un questionnement, en prise direct avec l’actualité de modes de résistance ou de contestations plus ou moins médiatisés, comme, par exemple, les jeudis pour le climat, le mouvement des gilets jaunes, ou encore la campagne TamTam pour la dignité humaine. À la veille des élections du mois de mai, ces mobilisations interpellent très concrètement le monde politique. L’espace public est investi, dans des styles différents, avec toujours l’objectif d’inscrire à l’agenda politique des revendications portées par une frange de citoyen.nes, souvent déçu.es, qui désormais s’expriment. Comment penser les liens entre politique et mouvement social ? Par quelles voies un mouvement social peut-il concrétiser son prolongement politique ?

C’est au prisme de ces questionnements contemporains, que nous avons « ouvert » un chantier sur l’histoire de SeP. Née au début des années 1980, et portée par l’enthousiasme de quelques militant.e.s du MOC, convaincus par le projet « pluraliste, fédéraliste et progressiste », l’aventure politique de SeP, au démarrage fulgurant (« C’est parti, c’est un parti, c’est partout » est l’un des premiers slogans de SeP), connaît toutefois une existence éphémère. Témoins d’une volte-face provoqué par l’échec électoral de 1985, précisément celui qui mène de l’enthousiasme à la désillusion, les journalistes détourneront le premier slogan de SeP pour titrer l’événement « SeP, c’est parti… c’est par terre ». C’est sous ce titre que nous avons choisi d’annoncer ce dossier, non pas pour occulter la passion des débuts, mais pour faire apparaître précisément ce changement d’attitudes. Car longtemps, la force d’un souvenir plutôt désagréable, celui d’un « échec », a pris le pas sur la volonté d’en faire le bilan ou l’histoire.

Aujourd’hui, les sources écrites sont accessibles, la parole commence à se libérer, et l’urgence de l’actualité donne du sens à historiciser une expérience qui contribue à éclairer les liens entre mouvement social et politique. Pour ouvrir ce dossier « délicat », nous avions sollicité le compagnonnage de Paul Wynants, historien engagé, proche du Mouvement Ouvrier Chrétien. Il est décédé inopinément à la fin de l’année 2018, avant de pouvoir répondre positivement à notre appel. Assurément, cette recherche exploratoire, qui s’inscrit au sein d’une histoire sociale et politique que Paul Wynants a largement contribué à écrire et faire connaître, lui doit beaucoup. Ce sont son travail de recherche, son intérêt pour la conservation des archives, et surtout sa préoccupation de faire comprendre le monde dans lequel nous vivons, mis en évidence dans sa toute récente notice biographique sur le site du Maitron, que nous avons à cœur de poursuivre.