Vers une collecte et une valorisation des archives de l’immigration

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François-Welter (historien, CARHOP asbl)

Actuellement, il est désolant de constater qu’aucun centre d’archives (privé ou public) ne mène de politique systématique de récolte, de gestion et de valorisation des archives issues de l’immigration. Il existe là un créneau d’investigations que le CARHOP souhaite perpétrer. Ainsi, en 2017, le centre reçoit en dépôt le fonds d’archives de l’association « La Jeunesse maghrébine ». Née au début des années 1980, celle-ci voit le jour de manière informelle, lorsque des jeunes en quête d’expression culturelle et d’entraide se regroupent spontanément. À cette époque, l’immigration marocaine s’installe structurellement à Bruxelles : la seconde génération se scolarise et s’enracine dans le pays sans qu’il ne soit plus question de retour au pays. Elle est pourtant négligée par les politiques publiques[1]. Comme souvent, les associations pallient alors aux carences des pouvoirs publics en construisant une cohésion sociale à laquelle participe La Jeunesse maghrébine. En 1985, celle-ci est reconnue comme centre de jeunes par la Communauté française. De ce fait, elle se professionnalise et engage ses premiers permanents. En 1988, elle s’enrichit de nouveaux membres qui rompent avec le modèle identitaire des jeunes Marocains de l’époque et promeuvent une société interculturelle, laïque et progressiste.

Les revendications de La Jeunesse maghrébine portent sur la justice sociale et l’égalité, le droit de vote en faveur des non-européens et la mise en place de leviers d’intégration et d’insertion. L’association se positionne aussi par rapport aux polémiques autour du port du foulard et aux exclusions qui en résultent, aux dérives racistes de l’extrême-droite, ainsi qu’aux bavures policières. Enfin, elle soutient une révision et une amélioration de la procédure de naturalisation.

En 1996, Jeunesse maghrébine est reconnue par la Communauté française comme service d’aide en milieu ouvert (AMO) : elle aide les jeunes en difficulté dans une logique de prévention. Les deux pendants (centre de jeunes et AMO) fonctionnent en parallèle jusqu’à la dissolution de la première en 2001.[2]

Les archives de  La Jeunesse maghrébine conservées au CARHOP offrent un utile reflet des engagements politiques, sociaux et éducatifs portés depuis 1985 par l’association. Gageons que la conservation et la valorisation de ce fonds d’archives ne soient qu’une première étape à l’acquisition d’archives d’autres associations qui s’impliquent ou se sont impliquées dans l’action socioculturelle, voire militante, des populations immigrées présentes en Belgique.

Si vos archives sont susceptibles de contribuer à l’histoire de l’immigration en Belgique et notamment à l’histoire des associations qui ont travaillé avec des populations immigrées, n’hésitez pas à prendre contact avec le CARHOP : francois.welter@carhop.be

Notes
[1] À ce sujet, voir : Leduc, A., « Évolution des politiques de cohésion sociale depuis la création de la Région bruxelloise en 1989 », Les Cahiers du Fil Rouge, n° 7-8, p. 36 [En ligne] http://ep.cfsasbl.be/IMG/pdf/cahier7et8.pdf, page consultée le 2 octobre 2017.
[2] Le contenu de cette contribution a largement été puisé dans l’introduction de la publication suivante : Ben Djaffar, L., Decelle, M., Barco, P., Archives du fonds La Jeunesse maghrébine, inédit, 2007 (Collection Archives, n°67).
POUR CITER CET ARTICLE

Référence électronique

Welter, F., « Vers une collecte et une valorisation des archives de l’immigration », Dynamiques. Histoire sociale en revue, n° 3, septembre 2017 [En ligne], mis en ligne le 04 octobre 2017. URL : http:// www.carhop.be/revuescarhop/